L’échange, pragmatisme humaniste, ou humanisme pragmatique ?

Airbnb par ci, Uber par là, la tentation est grande, aujourd’hui plus qu’hier, notamment grâce au développement de l’Internet, de se lancer à corps perdu dans cette nouvelle économie, en pensant faire des économies ! Un ordinateur, une résidence secondaire, et c’est parti !

Lorsque nous avons décidé avec Myriam de partir une année en voyage, nous avons immédiatement choisi l’échange de maison comme mode d’hébergement. Mais lorsque nos amis Aurélie et Laurent ont eux-mêmes tout lâché pour leur congé sabbatique, c’est la location de leur appartement en France qui leur a permis de financer leur hébergement à travers le monde ; bailleurs en France, ils étaient aussi locataires globe-trotteurs.

Loin de moi l’idée de dire qui a eu raison, qui a eu tort, les deux voyages étaient très différents, il est en effet plus difficile de trouver un échange de maison au Costa Rica ou en Colombie qu’en Australie, mais cette idée de marchandisation nous posait problème. Nous sommes si habitués à échanger notre maison que l’idée même de la commercialiser pour pouvoir à notre tour louer une habitation sur notre lieu de séjour nous paraît saugrenue, voire contreproductive. Puisqu’il s’agit d’un jeu à somme nulle (je dépense en hébergement ce que me rapporte la location de mon bien), pourquoi ne pas s’affranchir de l’aspect pécuniaire de ce jeu, en optant pour l’échange ? Le résultat, du point de vue des finances, est identique (il sera même favorable, comme nous le verrons plus loin), sans parler des avantages amenés par l’absence d’échange commercial –ô combien générateur de conflits, d’arrière-pensées et de non-dits souvent assourdissants- et la satisfaction personnelle n’est pas comparable. Il nous est arrivé d’échanger avec des demeures somptueuses, ou avec des maisons toutes simples, sans que nous ne nous sentions le moins du monde coupables, ou floués. Aurions-nous eu, dans le premier cas, les moyens de louer ? Sans doute pas. Et nous serions-nous, dans le second, sentis comme des pigeons ? Oui, certainement. Il est remarquable de constater que la perception de la valeur d’une chose, ou d’une expérience, est très corrélée à l’argent que l’on a dépensé pour avoir cette chose. L’échange, acte non commercial s’il en est, permet de s’affranchir du biais de la somme versée, ou de la somme perçue. La maison somptueuse citée plus haut devient avant tout une maison, comme la maison toute simple est avant tout une maison. Toutes deux sont chargées des vies de leurs occupants, et non des fantômes de locataires qui se succèdent, toutes deux sont emplies de la générosité de leurs hôtes habituels, et c’est un peu de la vôtre qui en imprègnera les murs, après votre séjour.

Alors on peut se dire que finalement, si des personnes sont prêtes à payer pour venir chez nous, pourquoi ne pas accepter, quitte à dépenser ensuite la somme pour aller chez d’autres… Je disais plus haut que le jeu était à somme nulle, mais ce n’est pas toujours le cas. Les taxes suivent en effet toujours de près les moindres échanges commerciaux. Louer votre logement vous oblige à déclarer les sommes perçues et, selon votre degré d’imposition, vous vous apercevrez rapidement que l’essentiel de ces dernières partiront dans les caisses de l’état, et non dans votre budget vacances et hébergement !!!
Alors renoncer ou limiter le plus possible les échanges marchands, et privilégier ce bon vieux troc, qui a si bien su forgé tant de civilisations, c’est non seulement faire preuve d’un modernisme dont nous ne pouvons, membres de la communauté d’Homelink, que nous féliciter, mais c’est aussi montrer ce que l’homme a de meilleur, notamment dans la confiance qu’il accorde à son prochain !

Continuons, continuez comme ça !

Laurent